Les Vieux Fous
Il est abject, aussi voleur, violeur que meurtrier. Il éructe sans entrave son obscénité, sa haine,
sa folie. Il se nomme Albert Vandel, il a plus de 140 ans et autant en kilos à déplacer, mais vous allez l’écouter. Attentivement, avec horreur et effroi, étonnamment. Car c’est un citoyen
français, plus précisément c’est un colon en Algérie. Plus fort : il incarne la colonisation elle-même ! Dans un récit halluciné et torturé, du 19e siècle au printemps 62, rien ne vous
sera épargné. De ses premières conquêtes et massacres à la tête d’un bataillon de zéphyrs, jusqu’au bordj où il est barricadé avec les derniers grands colons, il vous rafraîchira la mémoire sur
l’histoire de l’Algérie coloniale.
Le propos est violent, parfois insoutenable, et pourtant tout est vrai. Ce qui fait la force du
roman réside aussi et surtout dans la musique particulière qui le porte. Un souffle narratif étrange qui fait écho à la démesure de ces 130 années de folie coloniale et pousse inexorablement à
poursuivre la lecture. Ressenti comme une respiration, il peut accompagner les âmes les plus sensibles à suivre les délires d’un personnage narrateur sans tenue ni
retenue.
Inoubliable, étrange et baroque, ce nouveau roman de Mathieu Belezi
produit un véritable choc. Là où se mêlent constamment insoutenables vérités et fantaisies romanesques, nombre de questions restent en suspens et donnent envie d’aller voir encore plus loin. Dans
les entrailles d’une mémoire collective qui tait l’intolérable.
Mathieu Belezi - Les Vieux Fous - Flammarion 22 €
Entretien avec l'auteur